Alors que la troisième journée de grève contre la réforme de la fonction publique a lieu, une opération escargot est prévue sur l’autoroute A20, organisée par la Direction interdépartementale des routes du Sud-ouest (DIRCO), à l’appel de la CGT. La raison de cette mobilisation ? La loi d’orientation des mobilités (LOM). En effet, La possibilité a été évoquée de la créer un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui serait baptisé « Routes nationales de France », en remplacement du service public des Directions interdépartementales des routes (DIR).
La loi pourrait également comprendre la fin de la gratuité des autoroutes afin de financer l’entretien des routes nationales et du réseau autoroutier non concédé. L’A20 est notamment dans le viseur, et pourrait devenir payante sur ses 270 kilomètres gratuits entre le Cher et la Corrèze.
L’élaboration du projet de cette loi a pris du retard. Le texte n’a pas encore été transmis au Conseil d’État, et la date du 16 mai pour un passage au Conseil des ministres n’a pas été tenue. La réforme de la SNCF agitant le pays, le gouvernement préfère sans doute attendre que la situation se calme pour présenter ce nouveau projet.
Pour faire patienter, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a tout de même présenté certaines pistes au journal Les Échos, lors d’un entretien.
La liste des péages pourrait s’allonger
La création de péages urbains a été évoquée par la ministre. Ceux-ci dépendraient alors des autorités locales, que le gouvernement souhaite doter de plus de pouvoirs pour réguler et organiser la mobilité. D’après la CGT, ce dispositif reviendrait à autoriser la construction de péages sur tous types de routes.
Une taxe « poids lourds »
La mise en place d’une vignette « poids lourds » pourrait être envisagée, de sorte à ce que ces usagers participent au financement des infrastructures. Elle serait également imposée aux camions étrangers, et remplacerait l’écotaxe suspendue en octobre 2013.
Élisabeth Borne a également émis l’hypothèse d’autoriser les taxis amateurs dans les campagnes, et de reconvertir certaines petites lignes ferroviaires en pistes pour voitures autonomes.
Les syndicats dénoncent un début de privatisation
Pour les syndicats CGT et FO, ce programme traduit un début de privatisation. Franck Robert, délégué CGT à la DIRCO, est clair : la création d’un EPIC pose la question du statut des futurs embauchés. « Qui dit EPIC, dit statut privé, et surtout des vacataires en fonction des besoins » constate-t-il dans le journal Le Populaire du Centre.
Les syndicats craignent également une plus forte externalisation de l’entretien des routes vers les sociétés autoroutières (Vinci, Eiffage…) alors que, selon eux, le coût de ces entreprises est de 230 000 euros/km, contre 90 000 euros/km pour le service public des Directions interdépartementales des routes (DIR).
Des sénateurs partagés
Hervé Maurey, sénateur centriste de l’Eure, critique le mouvement : « Aujourd’hui, dans le pays, il y a un certain nombre de syndicats qui trouvent des prétextes pour mettre le bazar, pour créer des perturbations et empêcher les gens de circuler » réplique-t-il. « Le texte n’est même pas passé au Conseil des ministres, il n’a même pas été rendu public, et ils manifestent, ça n’a aucun sens ! ».
Ce n’est pas l’avis du sénateur Les Indépendants de la Vienne, Alain Fouché : « Je crois que les craintes sont fondées (…) Le futur texte semble programmer de rendre payantes certaines portions d’autoroutes qui sont gratuites aujourd’hui, de rendre possible la mise en place de péages sur les routes nationales et départementales » explique-t-il.
« Ce sera l’usager qui en payera les frais »
« Le gouvernement veut éviter le plus possible que l’État ne finance les routes, donc ce sera l’usager qui en payera les frais, et on fera appel de plus en plus à des sociétés d’autoroutes privées. Les boîtes privées gagnent beaucoup d’argent avec les autoroutes, et c’est un manque à gagner pour l’État » constate le sénateur. « On ne peut pas demander plus aux usagers » conclut-il.
Le sénateur de l’Isère, rattaché au groupe communiste, Guillaume Gontard, reste mesuré : « Effectivement, on peut avoir des craintes de privatisation, puisque c’est la tendance du gouvernement. Mais pour le moment, c’est difficile d’en parler, parce que le projet peut encore changer ».
Certains considèrent que le retard de ce projet de loi n’est pas anodin. C’est le cas d’Alain Fouché : « Si le projet de loi est retardé, c’est que plusieurs mesures font déjà polémique. La limitation à 80km/h sur certaines routes, le projet SNCF. Trop charger la monture, peut nous exposer à de gros dégâts » met-il en garde. Guillaume Gontard, dévoile même un nouveau calendrier : « Ce qu’on sait sur cette loi, c’est qu’elle a été repoussée un nombre incalculable de fois. D’ailleurs, on nous a indiqué qu’elle serait repoussée à 2019 ».