Audience au Cabinet sur l’évolution domaniale des phares

lundi 16 août 2010

Après les routes et les voies navigables la grande braderie du patrimoine de l’État continue !

Une délégation de la Fédération CGT Equipement-Environnement, a été reçue au cabinet du ministère MEEDDM le 9 juillet 2010 de 11h à 12h30 sur le transfert domanial des phares vers les collectivités territoriales.

Ont participé à cette audience :

Pour la CGT :
Gérard Le Briquer (responsable collectif fédéral « mer ») ;
Didier Alligné(SNAPB) ;
Christian Mahut (CCAS et SNPTRI) ;
Claude Declerck (SNOPA)

Pour le cabinet du MEEDDM :
J-F Carenco (directeur) ;
Th. Degos (directeur adjoint) ;
E. Banel (conseiller technique Mer) ;
M. Pelletier (chargé de mission mer).

Cette audience demandée par la CGT fait suite à la circulaire, en date du 20 mai 2010, envoyée par le directeur du cabinet du ministre d’État aux Préfets de région et aux directeurs interrégionales de la mer (DIRM), leur demandant de rechercher avec les collectivités locales (région, département, communauté de communes et communes) des solutions afin de donner une « deuxième vie » aux phares...(avec une vocation plus culturelle et touristique).
La piste envisagée est le transfert domanial dans le domaine public des collectivités, des bâtiments sur la base du volontariat, sous la forme d’une cession amiable et gratuite, assortie d’une convention d’usage pour la mission de signalisation maritime, restant de la compétence de l’État.
Le conservatoire de l’espace littoral est chargé d’apporter son concours et son expertise en terme de protection et de valorisation du patrimoine littoral conformément aux engagements N° 103 du Grenelle de la MER.
Enfin cette démarche pourrait être étendue dans les zones portuaires à d’autres établissements de signalisation maritime.

Cette perspective inquiète la CGT, les militants et agents des parcs de balisages (Ouvriers des Parcs et Ateliers), les contrôleurs des TPE du domaine Phares et Balises et de Sécurité Maritime et les agents du CETMEF chargés de maintenir les systèmes de navigation (feux et radio des CROSS) des phares.

La CGT a dénoncé cette logique de désengagement de l’Etat de son patrimoine après l’avoir laissé se dégrader sans entretien suffisant voire abandonné les grosses réparations du patrimoine ; certains phares sont en péril et nécessitent des travaux d’urgence de sauvegarde.
La démarche du ministère vise à se débarrasser de ce patrimoine national faisant partie de notre histoire et assurant la sécurité de la navigation maritime ! Ce désengagement de l’État sur les collectivités représenterait un nouveau transfert de charge sur les finances locales.
Elle a rappelé le caractère régalien de la mission de sécurité de navigation des phares et balises et la nécessité de conserver les moyens de la remplir.

De plus une cinquantaine de phares avec leurs annexes en bord de mer relevant du domaine des Phares et Balises, ports et littoral, comportent des logements de type unités d’accueil gérées par les ASCEE ou des logements de fonction pour les personnels, gardiens et contrôleurs de phares, chargés de la sécurité de la navigation ; Ils sont à considérer avec une utilité sociale pour les agents et comme un patrimoine à valeur historique et à ce titre se pose désormais la question de la valorisation de ce patrimoine, aujourd’hui placé sous l’autorité des Préfets de région ou de département.

La délégation CGT n’accepte pas la réduction du patrimoine à usage social et a exigé, comme l’a fait le CCAS en audience au Cabinet du ministre le 6 avril 2010, la création d’un dispositif d’ « exception sociale » pour que le MEEDDM continue de maîtriser ce patrimoine exceptionnel en évitant qu’il soit mis sous la pression des cessions de biens, donc de le sortir de la marchandisation du bien social qui est un des critères de gestion de France Domaine, nouveau gestionnaire des propriétés de l’ETAT.

La CGT est opposée au transfert domanial gratuit et a rappelé les solutions alternatives mises en œuvre sur plusieurs sites sous forme de partenariats avec des collectivités ; cela nécessite la mise en place d’une nouvelle « Gouvernance » à l’échelle de nos façades maritimes pour engager avec le Conservatoire du littoral une valorisation du patrimoine phares en respect de l’engagement N°103 du Grenelle de la mer.

Les réponses et réflexions apportées au cours de cet échange.

Le directeur de cabinet, Jean-François Carenco, répond qu’il n’a pas les moyens de réparer les phares, ni même de les entretenir, il reconnait que l’État ne fait plus rien pour les phares depuis 30 ans ! « Je veux sauver les phares comme vous ; je n’ai pas d’autre solution que de chercher des moyens financiers ailleurs qu’à BERCY ! »
Il espérait pouvoir mettre en place une taxe sur les bateaux dans le cadre du DAFN (droits annuel de francisation et de navigation= ensemble des taxes et redevances payées par les usagers nautiques) pour dégager des financements mais cette solution a été rejetée !
La CGT a fait valoir que COMOP (comité opérationnel) du Grenelle de la mer chargé de réfléchir aux voies et moyens de la mise en œuvre des « droits de la mer, fiscalité et financement », n’avait pas encore remis son rapport définitif au Ministre et qu’il appartient d’inclure cette priorité de la valorisation des phares dans ce cadre de nouvelles ressources de la fiscalité et redevance des usages de la mer et des installations.

L’Etat va tout de même consacrer une enveloppe de 8 millions d’euros chaque année à partir de 2011 pour l’entretien des phares, qui sera déléguée au Conservatoire du littoral. (en sachant qu’il faut environ 3 millions d’€ pour l’entretien du seul Phare de CORDOUAN dans l’estuaire de la Gironde). « L’ETAT a le devoir de bouger et se tourne prioritairement vers les régions pour sauvegarder ce patrimoine considérant qu’elles avaient encore des capacités d’investissements ».

Chercher l’erreur ?

Pour la CGT, le Gouvernement ne peut s’exonérer de ses responsabilités dans ce domaine en cherchant à se débarrasser de son patrimoine et à opérer à un transfert gratuit dans le domaine public des collectivités qui sont par ailleurs, de plus en plus contraintes aux économies sur leurs budgets locaux en raison de désengagement de l’Etat et de ressources fiscales insuffisantes (suppression de la TP notamment !).
C’est pourquoi, nous avons affirmé notre opposition au transfert du bien (foncier et bâtiment) dans le domaine public des collectivités et notre exigence d’une politique nationale de valorisation des phares. D’ailleurs, la délégation a fait remarquer également que les préconisations du rapport du CGPC d’octobre 2006 sur la politique du patrimoine, restaient attachées à une véritable volonté politique de l’ex ministère de l’Equipement de préserver ses liens avec le patrimoine historique national et de se réapproprier la mémoire de ses métiers. Le principe d’une « gouvernance » de ce patrimoine avait été proposé avec un comité d’expert constitué par le comité scientifique et de l’histoire du ministère.
En conséquence, le ministre doit pouvoir agir sur le volet immobilier « phares » pour éviter la cession de ces biens gérés par les correspondants régionaux de France Domaine, en dehors de toutes considérations du patrimoine historique national.
L’intérêt du ministère est de rester impliqué dans la gestion du parc immobilier social et de ne pas laisser sa gestion aux seules instances locales (Préfets et des instances de pilotage de la politique immobilière).

La CGT demande que la DAFI (délégation à l’action foncière et immobilière du MEEDDM) mette en œuvre les outils techniques et financiers concernant le patrimoine immobilier phares et social (ASCEE) du MEEDDM.
(La circulaire DAFI du 31 août 2009 sur le volet immobilier du dialogue de gestion 2010 ne doit pas retirer au MEEDDM la légitimité de son intervention sur le champ de l’immobilier social consistant à faire valoir les besoins de « grosses réparations » et d’entretien du patrimoine social au sein du programme N° 309 gérés par France Domaine et du programme N° 217 sous la responsabilité du SG du MEEDDM.)
Il faut engager une programmation pluriannuelle des dépenses d’entretien sur 2011-2012 et après.

Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !

Selon le Cabinet, les logements sociaux ou unités d’accueil, devraient être conservés, dans le cadre d’autorisation d’occupation temporaire et de convention de partenariat entre l’État (à ce titre France Domaine représente l’Etat propriétaire) et le réseau des ASCEE et services. Les obligations de services des unités d’accueil seront finalisées dans ce cadre (titre de propriété, convention d’utilisation et volet entretien qui incombe au propriétaire).

La langue de bois n’a pas été de mise lors de cette audience avec les responsables du cabinet, nous avons le sentiment d’avoir été écoutés.

Si nous voulons être entendus et obtenir des garanties pour les personnels et leurs outils de travail, nous ne ferons pas l’économie d’une mobilisation des personnels sur le terrain. La CGT portera ces revendications auprès des personnels en vue de permettre, dans l’unité la plus large avec d’autres syndicats et associations y compris le CCAS, une large mobilisation sur le maintien et la revalorisation du patrimoine immobilier social.

Le Cabinet a affirmé que l’État garderait la mission « sécurité de navigation maritime » et que les agents concernés n’avaient pas de crainte à avoir sur cette évolution domaniale des phares.

A bon entendeur salut ! Ce sont des missions régaliennes relevant encore de la compétence de l’Etat. Mais qu’on se le dise, si la perspective de la cession des actifs patrimoniaux de l’Etat à des fins d’économie d’entretien et de moyens en personnels (déjà en nombre insuffisant) , se mettait en œuvre , point n’est besoin d’être devin pour imaginer que cette vision comptable mettrait à terme en péril les missions et compétences des services pour la maintenance, l’entretien et la réparation des installations (principales tâches des contrôleurs Phares et Balises et des OPA).

La question de l’intervention des agents du MEEDDM sur des établissements phares, d’ores et déjà concédés à des collectivités et gérés sous forme de délégation de service public, doit être revue en regard des intérêts des « gestionnaires touristiques » qui sont incompatibles avec une exploitation continue du site 24 sur 24 et quelques fois dans l’urgence d’une maintenance des installations.
La CGT considère que le cadre de ce transfert n’est pas prévu par la loi de décentralisation d’Août 2004 (Loi LRL) et qu’il appartient à l’Etat de garantir la sécurité et sûreté civile des populations et des usagers ; ici la sécurité de la navigation maritime et la prévention des accidents maritimes.

La CGT dénonce l’absence totale de lisibilité sur les phares opérationnels (classement selon les normes internationales de l’OMI et des orientations stratégiques nationale de signalisation maritime) alors que bon nombre d’entre eux et des installations sont utilisés par les Affaires Maritimes (fonctionnement des CROSS) pour la communication avec les navires et les missions de sécurité maritime ; le rôle du CETMEF au sein des DIRM est à redéfinir et à redéployer dans la maintenance des systèmes feux et radio.

Enfin, la commission des phares, doit se réunir dans le cadre du bicentenaire des Phares et Balises et proposera des évolutions de la signalisation maritime avec les nouvelles technologies, le classement des phares selon les normes et stratégies de la sécurité de navigation. Dont acte !

En fin d’audience, la délégation CGT a abordé la mise en place opérationnelle des directions inter régionales de la mer (DIRM).

A ce titre, la CGT a demandé au ministère d’afficher clairement sa politique dans le domaine maritime avec les objectifs de l’État, les missions ainsi que les moyens matériels et humains pour les assumer. Nous demandons à être destinataire des « audits » DIRM en cours et des projets de services.

L’opacité actuelle place les personnels dans une situation d’incertitude, sur leur devenir professionnel, sur leurs rémunérations et les moyens de fonctionnement des DIRM.

C’est pourquoi la CGT a demandé un cadrage national de garanties pour les personnels des DIRM qui prennent en compte l’ensemble des missions et des services concernés, les rémunérations avec les régimes indemnitaires spécifiques, les garanties en matière de pré positionnement, les organisations du travail avec le respect des garanties minimales en matière de temps de travail, de repos et de sécurité, les droits syndicaux adaptés aux spécificités des métiers de la mer et à l’étendue géographique des façades maritimes.

Le cabinet demandera au nouveau Directeur de la DAM d’engager une première réunion sur les droits syndicaux (statutaires, moyens de déplacement, locaux et informatiques..).