Séminaire de lancement de l’Office français de la biodiversité : le fait du prince

mardi 11 février 2020

Oyez, oyez, nobles seigneurs et gentes dames, serfs et manants !

Les 12 et 13 février de l’an de grâce 2020, son altesse Emmanuel Macron a convié toute sa cour en son fief de Chamonix, pour adouber le chevalier Pierre Dubreuil et le nommer « baron de la Biodiversité ».

Certes, notre bon Roi Macron a bien besoin de reverdir son blason. Il a tout intérêt à se présenter, à la veille des élections municipales et de la publication d’un nouveau rapport accablant du GIEC, en tant qu’ardent défenseur du climat et de la Nature. Et notre valeureux directeur général a fort besoin d’asseoir sa légitimité comme spécialiste de la biodiversité, lui qui a toujours exercé des fonctions de pur administrateur1. Peut-être compte-t-il sur le légendaire « toucher royal » pour le transcender en expert des milieux et des espèces naturels ?

Vous pensez peut-être que les manants de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), créé le 1er janvier 2020 par regroupement de l’AFB et de l’ONCFS, se réjouissent de cette consécration de leur directeur général ? Que nenni !

D’abord parce que les agents croulent sous une avalanche de difficultés déclenchées par cette fusion entre deux organismes aux cultures et pratiques très éloignées, source de souffrances et de désorientation pour beaucoup d’agents. Il faudra des mois et un minimum de stabilisation pour qu’un séminaire de ce genre prenne du sens et puisse servir à quelque chose. Ensuite parce que seuls les « managers » de l’établissement sont conviés à ces réjouissances. Et encore, pas tous : certains chefs de services, comme ceux des Parcs naturels marins, ont curieusement été oubliés. Cela représente quand même près de 350 invités, dans un établissement qui comporte environ 2 800 agents du service public de l’Environnement. L’immense majorité

pourra se consoler en suivant l’évènement en streaming sur internet. Drôle de méthode pour un séminaire de lancement, qui devrait plutôt promouvoir la cohésion et le sentiment d’appartenance au nouvel établissement !

Qui plus est, le choix d’organiser ce séminaire à Chamonix, en plein milieu des vacances de sports d’hiver, et dans la précipitation totale, plonge tous ces pauvres hères dans une profonde consternation. L’évènement a été annoncé seulement le 28 janvier (à 21h51…), soit 15 jours avant. Les réservations de moyens de transport, hébergement, restauration, salle, etc. se font donc à l’arrachée et au prix fort. Nous avons estimé que cette sauterie coûtera au bas mot 400 000 € à l’OFB, sans compter tout le temps de travail consacré à la préparation, aux déplacements et à la participation au séminaire. Or au même moment, la direction de l’OFB annonce à de nombreux services qu’ils vont devoir se serrer la ceinture en 2020, car leurs budgets sont considérablement amputés par rapport aux prévisions (par exemple, un tiers de réduction pour la Direction Surveillance, Evaluation et Données). L’addition paraît donc bien salée aux agents, qu’ils soient invités ou non.

S’y ajoute l’empreinte écologique de cette aberration, alors qu’on constate justement que l’hiver n’a jamais été aussi doux à Chamonix2 et que les glaciers reculent toujours plus d’année en année, comme son altesse Macron va aller le vérifier sur place la veille3. Un tel gaspillage va à l’opposé des valeurs défendues des agents de l’OFB et de la prétendue exemplarité environnementale de leur établissement.

Et pendant ce temps, la direction générale, perchée sur son piédestal, ignore les nombreux cas de troubles socio-professionnels qui affectent les agents. Les problèmes de choc de culture, de divergence de fonctionnement et de priorités, se cumulent avec la précarité de nombreux types de postes, que l’OFB n’a en rien réussi à endiguer. Les signalements d’agents en détresse se multiplient depuis le 1er janvier et vont s’amplifier, faute d’un plan de prévention qui a été réclamé en vain par les représentants syndicaux durant la préfiguration « express » de l’établissement. Cette préfiguration imposée, autre fait du prince, sur une durée ultra-courte (2019), a mis sur les rotules la plupart de nos cadres dirigeants et des personnels des services supports. Mais le haut-commandement du Ministère a considéré que la fusion des établissements valaient bien quelques sacrifices humains4 et que « l’intendance doit suivre ».

Comble de tout, cette mascarade politicienne occulte un autre évènement important pour la biodiversité et qui était préparé de longue date par des agents de l’OFB et du Parc National des Calanques : l’inauguration à Marseille de l’exposition sur les canyons sous-marins de Méditerranée5. Bien que Pierre Dubreuil ait personnellement convié des dizaines de personnalités à cet évènement, il n’y participera pas puisqu’il aura lieu le 13 février, le jour de son adoubement par le Roi Macron ! Encore une fois, la sensibilisation et la préservation des écosystèmes - marins en particulier - passe après les calculs politiciens ou carriéristes de quelques « hauts (ir)responsables » …

Alors, non, nous n’accepterons pas que la Biodiversité ne soit qu’un thème de promotion ou de diversion pour le gouvernement en période électorale. Nous refusons l’instrumentalisation politicienne de notre établissement public et appelons tous nos collègues à la grève ou à des actions de protestation les 12 et 13 février.

1 Pierre Dubreuil a travaillé au Muséum National d’Histoire Naturelle depuis 2001, mais uniquement sur des postes purement administratifs, et a été DG de l’Institut national de recherches archéologiques préventives de 2013 à 2016.
2 https://reporterre.net/A-Chamonix-il-n-a-jamais-fait-aussi-chaud-en-hiver
3 https://www.ouest-france.fr/environnement/protection-du-mont-blanc-emmanuel-macron-se-rendra-sur-la-mer-de-glace-le-13-fevrier-6726849
4 Tout le monde n’a pas eu à faire des sacrifices durant la préfiguration ; par exemple, à Olivier Thibault, ex-DG de l’ONCFS, a été promu Directeur de l’Eau et de la Biodiversité au Ministère en charge de l’écologie, en novembre 2019.
5 https://www.ofb.gouv.fr/agenda/exposition-plongee-au-coeur-des-canyons

Contact presse : Sylvain Michel 06.45.69.96.25, Vincent Vauclin 06.80.32.96.91 ou cgt@afbiodiversite.fr

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