CEREMA : Conseil d’Administration du 17 avril 2019

vendredi 19 avril 2019

Mesdames et Messieurs,

Depuis son arrivée en 2017 la majorité accentue sa politique inégalitaire. En 2018, les 26 milliardaires Français - fortune de 260 milliards d’euros - possèdent plus qu’un tiers de la population du pays, soit 22 millions de français ! Depuis la crise de 2008, les profits du CAC40 ont plus que doublé, signe que l’économie se porte très très bien … pour les plus riches. Loin d’améliorer la redistribution en prenant aux rentiers pour donner à ceux qui travaillent, le gouvernement ponctionne la richesse produite pour la caste des plus nantis : baisse de l’APL, modération salariale, ponctions sur les retraites, subventionnement de l’économie sans contre partie, avec le CICE ou les exonérations de cotisations sociales qui profitent aux actionnaires, cadeau de l’ISF, etc.

En réponse au mouvement populaire qui réclame un partage des richesses et plus de démocratie, le gouvernement a tout tenté : mépris, répression violente, recours aux médias, pourrissement et dilution avec le grand débat. Que propose le gouvernement pour répondre aux mobilisations sociales ? Accélérer sa politique de diminution des impôts, donc de sacrifice de fonctionnaire et du service public et n’entend rien changer à la confiscation du pouvoir par une petite caste !

Tous les projets du gouvernement et de sa majorité vont une nouvelle fois cibler les plus pauvres alors qu’il y a déjà presque 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté et des millions qui n’arrivent plus à vivre de leur travail : financement de la dépendance en rognant 2 jours de congés, réforme des retraites pour obliger les salariés à travailler plus longtemps ou à partir avec moins de ressources, casse des acquis de la fonction publique en la livrant en pâture aux intérêts et lobby privés …

C’est pourquoi tous les syndicats de la fonction publique appellent à l’unisson les salariés à se mobiliser le 9 mai pour résister contre le dépeçage du service public et des conquêtes sociales.

Face à cette opposition entre le peuple et ses gouvernants, l’élite de l’appareil d’État choisit délibérément d’accepter et d’exécuter les consignes politiques. Elle doit donc louvoyer en faisant semblant de mettre en place des processus rationnels du type diagnostic-enjeux-solution. Le directeur général n’y fait pas exception. Il s’est d’ailleurs entouré d’une garde rapprochée de compétences pour mettre en musique ce plan d’action improprement nommé Cerem’avenir.

Ce nouveau plan social doit répondre à la baisse de la SCSP de 9,3 % qui passe de 205 M€ en 2018 à 186 M€ en 2022 et la baisse des effectifs de 11,1 % pour passer de 2700 à 2400 ETP1. Au demeurant, nous n’avons eu aucune justification sur ces baisses deux fois plus importantes qu’aux ministères de tutelle. Une nouvelle fois nous demandons des explications au commissaire du gouvernement.

Cerem’avenir a été présenté à l’encadrement supérieur puis aux représentants du personnel. La littérature foisonnante sur ce sujet est un condensé de « technolangue » dans lequel les concepts fumeux : « expertise de second niveau », « segmentation », « noyau dur », « activité d’intégrateur »... rivalisent avec de nouveaux anglicismes comme offre « freemium ».

Le diagnostic posé dans des fiches par activité, avec une plus ou moins grande rigueur, fait apparaître des attentes fortes sur toutes les activités du Cerema qui n’a plus la capacité de se restructurer ! Ainsi, dans Cerem’avenir les activités à diminuer/arrêter progressivement relèvent soit du mantra (moins de commandes centrales, plus de tiers), soit de micro-détails pour des gains en effectifs extrêmement modestes qui stigmatisent quelques agents. La quadrature du cercle est donc bouclée et nous revenons au point Larrouturou : la démarche nous dit en réalité qu’il faudrait embaucher, car nous sommes dynamiques sur tous nos segments d’activité.

Le plan social Cerem’avenir est fondée selon 3 axes : un modèle économique, une diminution du service public, une culpabilisation des agents

Le modèle économique

Est-il besoin de rappeler qu’un modèle économique est par nature une approche financière de la production et de sa rentabilité ? Pour obéir aux consignes politiques le directeur du Cerema applique de vielles recettes qui ouvrent la voie à la privatisation d’activités :

Augmentation de la production moyenne annuelle par agent (hors support) de 123 k€ en 2018 à 132 k€ en 20221, malgré les surcharges de travail (combien d’heures produites sans rémunération – écrêtage ; travail le soir ou durant le weekend ou les congés), les burn-outs et autres craquages de collègues pour lesquels la démarche RPS est bien insatisfaisante.
Mise en place de la sous-traitance à hauteur de 1M€ en 2022, véritable cheval de Troyes anti-emploi et anti-social qui met en concurrence les agents sous statut et les contractuels du Cerema avec les salariés du privé. Cette sous-traitance c’est un moyen de monopoliser de l’argent public pour financer du capital privé.
Marchandisation de nos missions au travers de l’augmentation de la ressource propre de 7 % à 8 % ans. Paradoxalement, les collectivités devraient injecter 10 à 20 M€ pour bénéficier du Cerema, alors que l’État en décentralisant ne leur donnent pas les moyens afférents. Pour les collectivités, on nous vend l’ANCT afin de consolider nos prestations pour compte de tiers, mais c’est un miroir aux alouettes Ce énième établissement public n’est rien d’autre qu’un guichet unique. Ce n’est pas une nouvelle source de financement de l’Etat pour soutenir les collectivités !

La diminution des missions de service public

Au niveau des activités de production, ce sont encore les laboratoires qui devront supporter un tiers de la diminution totale de l’effectif d’ici 2022, soit la suppression de 100 ETP. Une nouvelle fois on parle de « polarisation-spécialisation-mutualisation ». Appréhender la donnée locale ne peut s’acquérir à distance en polarisant les laboratoires. Cette expertise de second niveau basée sur des mesures et des essais dont on ne maîtrise pas la réalisation serait un non sens technique ! En outre, conserver la complète maîtrise de l’outil de production est la garantie de conserver la capacité de formation et d’aguerrissement des compétences, la capacité de recherche, d’expérimentation, bref la légitimité technique vis-à-vis des grands groupes du BTP. D’ailleurs, ne sont-ils pas eux-mêmes territorialisés ?

Sans diagnostic sérieux, Cerem’avenir avance la diminution des effectifs supports à raison de 50 % du total des postes à supprimer, alors qu’ils représentent aujourd’hui moins du tiers de l’effectif. Les projets semblent bien avancés : regroupement des services financiers et comptables sur 4 sites, assistance informatique regroupée à terme sur un seul site avec un fonctionnement « à distance », dématérialisation et externalisation partout où cela est possible… Les conséquences, on les connaît d’avance : augmentation de la charge de travail administrative pour tous au détriment des missions et plus probablement de leur santé. Étonnamment, rien n’est dit concernant les nombreuses strates hiérarchiques … Moins il y a d’agents au Cerema, plus il y a d’encadrement !

Une culpabilisation des agents

Cerem’avenir refonde en profondeur les rapports sociaux et hiérarchiques dont l’outil comptabilité analytique sera le bras armé par la comparaison des coûts avec des normes, avec d’autres entreprises, entre sites, entre équipes, entre agents. Sous couvert d’autonomie et de responsabilisation des agents, le management néolibéral qui consiste à décorréler le volet administratif et de gestion du volet technique va achever le Cerema. À l’augmentation de la pression sur la production et les tâches administratives vont s’ajouter la pression de la démarche commerciale et le fonctionnement matriciel porté par des responsables de segment nommés par le DG et « adoubé » par le CODIR. Les sans-grades eux devront trouver eux-mêmes comment se positionner entre les chevaliers responsables de segment national et une hiérarchie locale qui auront bien entendu des enjeux contradictoires. L’agent devra en permanence faire des choix et en supporter les conséquences. En cas d’échec, la direction ne sera pas mise en cause, en revanche la rémunération au mérite viendra sanctionner les agents.

Ce management à la France-Télécom a été malheureusement expérimenté dans certaines entités du Cerema. Il a provoqué du mal-être au travail, départs d’agents, perte de compétence et diminution du service public. Celles et ceux qui veulent l’orienter ainsi doivent immédiatement prendre leurs responsabilités et quitter le Cerema pour se frotter au monde idyllique de l’entreprise.

Alors que dans un premier temps le directeur général s’est voulu rassurant, le plan social Cerem’avenir prévoit maintenant un dispositif pour les agents concernés par des suppressions, transferts et évolution de poste. Si de telles dispositions sont mises en œuvre, ce n’est pas pour ne pas les activer !

Les agents ne sont pas dupes de ce nouveau plan social. Car dans le sondage d’opinion principalement fermé qui ne portait pas sur le fond, mais sur la démarche, ils ont répondu à 70 % que Cerem’avenir n’améliorera pas leurs conditions de travail, ni ne les motivera. Pas étonnant puisque pour réussir la baisse des effectifs et initier la privatisation des activités, chaque agent doit devenir le transformateur et le porteur de ce plan.

Nous tenons à souligner un point particulier porté par les agents que nous avons relevé dans le verbatim du questionnaire IFOP : les agents réclament plus d’effectif pour produire et moins de recrutement de gestionnaire et de commerciaux. Effectivement, depuis la création du Cerema en 2014 le volet management a fortement augmenté sans pour autant améliorer le service rendu par le Cerema. Il est grand temps d’inverser cette tendance à moins que la direction cherche à étouffer le Cerema.

Enfin, nous terminerons par la question de l’objectif financier de cette restructuration, car nous doutons qu’il soit réaliste. Nous y reviendrons lors de l’examen du compte financier 2018 et du budget rectificatif 2019. Cependant, nous observons que la masse salariale est quasiment stable malgré les diminutions d’effectif. L’État tient toujours sous perfusion le Cerema avec une SCSP largement insuffisante qui précarise les ressources du Cerema. Mais surtout, Cerem’avenir s’attaque encore aux activités de laboratoire qui génèrent une très grande part des ressources propres du Cerema. Par conséquent, nous craignons qu’une nouvelle fois, les agents soient la variable d’ajustement budgétaire.

En conclusion, nous considérons que la débauche de temps passé en réunions de travail et en opérations de communication est en décalage complet avec le résultat présenté. Ce rapport est un alibi aux bases incertaines pour accompagner la baisse des moyens et des effectifs, jamais contestée par nos dirigeants.

Nous voulons aussi revenir sur notre interpellation du directeur général concernant la biennale des territoires. L’objectif de communication nous semble pour le moins pas bien atteint, alors qu’il y avait à peine 150 personnes présentes, y compris les agents du Cerema, dans l’amphithéâtre de 600 places lors du discours d’ouverture par le ministre F. De Rugy et 100 personnes le second jour. Quels enseignements tirez-vous Monsieur le directeur général de cette grande opération de communication ?

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