Le harcèlement sexuel

mercredi 27 septembre 2006

Malgré la reconnaissance du harcèlement sexuel au niveau européen, celui-ci a fait une entrée tardive dans le système juridique français puisqu’il a fallu attendre 1992 pour que la harcèlement moral soit condamné par le code du travail et le code pénal.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le harcèlement moral au travail est pareillement réprimé, la notion de santé mentale étant consacrée dans de nombreuses dispositions ayant trait à la santé et à la sécurité des travailleurs, et au soutien de la lutte contre les phénomènes de harcèlement susceptibles d’altérer l’équilibre psychologique des victimes.

Le harcèlement moral constitue une atteinte très grave à l’intégrité physique et psychique de la personne, à son droit au travail dans des conditions normales.

Selon le Bureau International du Travail, agressions et harcèlement sexuel sur le lieu de travail sont plus fréquents en France qu’ailleurs.

Près de 25 % des femmes françaises déclarent avoir été victimes ou témoins de harcèlement sexuel.

Qu’est ce que le harcèlement sexuel ?

Selon la nouvelle définition de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 - J.O. du 18 janvier 2002 - le harcèlement sexuel consiste en des « agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers » (article L 122-46 modifié du code du travail).

La définition donnée par le code pénal a également été modifiée dans ce sens, mais la référence à l’obtention de faveurs sexuelles au profit d’un tiers a disparu (code pénal - article 222-33).

Demeure donc la nécessité de prouver un harcèlement (le fait de harceler) et son but (obtenir des faveurs de nature sexuelle).

Le juge formera sa conviction pour chaque cas d’espèce et compte tenu des faits.

D’autre part, la jurisprudence qui s’est développée sur la « notion de faveurs de nature sexuelle » reste valable avec la nouvelle loi.

A noter :

La Cour de Cassation a jugé que même en l’absence de harcèlement sexuel, la faute grave peut être retenue lorsqu’une personne salariée a eu une attitude particulièrement inconvenante qui a choqué la pudeur d’autres salariés (cassation sociale du 12 mars 2002, n° 99-42.646, société R.21 Sauté contre/Papillon).

Dans tous les cas, il importe que soient relatés des éléments de faits précis et concordants.

Ainsi, une remarque, allusion orale ou écrite ne peut suffire généralement à établir l’existence d’un harcèlement sexuel.

Quand y a-t-il harcèlement sexuel ?

Le harcèlement sexuel suppose en préalable :

 que la ou le salarié ne consente pas aux agissements,

 que les agissements reprochés aient pour but l’obtention de faveurs de nature sexuelle (ce terme vise non seulement des relations sexuelles, mais aussi tous les contacts physiques pouvant apparaître comme étant de nature sexuelle, qui seraient « forcés »).
Il n’est pas nécessaire que l’obtention de faveurs ait été demandée.

L’abus d’autorité :

La loi française caractérise le harcèlement sexuel comme un abus d’autorité.

En effet, elle prend en compte le salarié en situation de subordination, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme, ou que la personne qui abuse de son autorité soit un homme ou une femme (Circ.Drt n° 93-2 du 11 février 1993 sur l’application de la loi relative à l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail - Bulletin Officiel Ministère du Travail n° 15 du 20 août 1993).

Le harcèlement sexuel dans les relations de travail peut prendre des formes diverses.

Par exemple : un chantage à l’embauche, à la promotion - des avances sexuelles physiques ou verbales (propos - allusions) - gestes impudiques commis par un supérieur hiérarchique - menaces de représailles, invectives et injures de toutes sortes en cas de refus de se soumettre à une sollicitation d’ordre sexuel, notamment lorsqu’elles ont une connotation sexuelle directe et indirecte.

Le harcèlement sexuel constitue donc une forme de détournement du pouvoir de l’employeur, du supérieur hiérarchique ou du responsable du recrutement.

Un seul acte peut constituer un abus d’autorité en matière sexuelle ; il ne doit pas être nécessairement répétitif.

Il a été jugé également que des attouchements répétés, imposés par un supérieur hiérarchique entraient dans les pressions de toutes natures exercées dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles.

La suppression du lien hiérarchique :

Après la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, le fait de ne pas placer le harcèlement moral au travail dans le seul cadre des rapports hiérarchiques a conduit le parlement, par souci de cohérence avec le harcèlement sexuel, à modifier les articles L.122-46 du code du travail, 222-33 du code pénal et 6 Ter de la loi du 13 juillet 1983, afin que le caractère répréhensible du harcèlement sexuel ne soit plus, comme c’était le cas jusqu’alors, lié à la qualité de supérieur hiérarchique de la victime ou de la personne avant autorité sur celle-ci (harcèlement « vertical »).

Comme l’article 6 quinquiès, en ce qui concerne le harcèlement moral, l’article 6 ter précité prévoit que le harcèlement sexuel peut entraîner des sanctions disciplinaires.

L’effet des nouvelles dispositions qui étendent le champ d’application des mesures de lutte contre le harcèlement sexuel et, par conséquent, la portée de la menace de sanctions, sera intéressante à observer dans les différents jugements.

Désormais, les actes et les propos de harcèlement sexuel peuvent être le fait :

 D’un supérieur hiérarchique,

 De l’employeur ou d’un dirigeant,

 De toute personne exerçant des responsabilités d’encadrement vis-à-vis de salariés sous ses ordres ou de toute personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions,

 D’un collègue de travail, quel que soit son niveau hiérarchique par rapport à la victime,

 Des personnes ayant une autorité de fait, tels que les conjoints ou membres de la famille de l’employeur, les donneurs d’ouvrage dans le cadre de contrats de sous-traitance ou d’une mise à disposition.

Comment prouver les actes et agissements de harcèlement sexuel ?

Le gouvernement RAFFARIN a modifié la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 sur le harcèlement moral et sexuel en matière de preuve, mais aussi de médiation.

En effet, les nouvelles dispositions de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 prévoient que désormais la victime doit « établir », c’est-à-dire prouver les éléments qu’elle avance et qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ou moral.

Auparavant, la victime « présentait » des éléments laissant présumer un harcèlement, ce qui ne lui imposait pas de prouver ces éléments de fait.

Désormais, il revient à l’employeur, supérieur hiérarchique, ou collègue de travail mis en cause, de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au final, les juges forment leur conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’ils estiment utiles.

Il paraît aller de soi que la qualification des agissements répréhensibles et l’appréciation de leur gravité ne devraient pas varier selon que leur auteur est un supérieur hiérarchique ou un collègue de travail.

L’efficacité de la loi dépendra donc de la volonté des autorités compétentes de mener les actions disciplinaires avec la rigueur manifestée par la Cour de Cassation.

A noter :

- Une tentative de séduction ne peut être qualifiée de harcèlement sexuel, en l’absence d’autres éléments (notamment des agissements de harcèlement),

 Une nouvelle directive communautaire vise tout comportement ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

 Elle doit être transposée en droit français.

Les éléments de preuve pouvant être apportés par la victime sont divers et multiples :

 Paroles, gestes, courriers (y compris ceux envoyés à la hiérarchie), attitudes, refus explicite ou implicite de certains droits, messages électroniques (valeur relative compte tenu des possibilités de falsifications de ces messages)...

- Témoignages et attestation d’un ou de plusieurs salariés (y compris de personnes extérieures).
Cependant, une attestation n’a pas de valeur « absolue » : les juges peuvent en tenir compte, ou l’écarter (notamment lorsqu’il existe des doutes quant à l’impartialité du témoin).

 Notes internes, résultat d’évaluation et tout autre document circulant sur le lieu de travail ;

 Certificats médicaux,

 Courriers de l’employeur, y compris disciplinaires,

 Enregistrement des conversations.

 Outre prouver des faits, la victime peut également prouver « l’inaction » fautive de l’employeur en démontrant que l’envoi de lettres de dénonciation du harcèlement est resté sans suite.

A noter :

L’absence de protestation de l’employeur suite à des lettres envoyées par la victime, est prise en compte par les juges pour forger leur conviction.

 D’autre part, la victime peut également reconstituer son parcours professionnel, et démontrer la concordance « d’incidents de parcours » et de faits de harcèlement.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné d’agissements de harcèlement sexuel ou moral, ou pour les avoir relatés.

Cette protection concerne tant le témoignage devant une juridiction, que les attestations écrites, voire les propos adressés à d’autres personnes (comme les représentants du personnel par exemple).

Important : Dans tous les cas, la victime ne doit surtout pas rester isolée.

En cas de démission de la victime fonctionnaire, il est bon de rappeler qu’aux termes de l’article 96 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, « la démission ne peut résulter que d’une demande écrite du fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions ». Le juge peut prononcer la réintégration s’il ressort des pièces du dossier, notamment des documents médicaux, que l’intéressé se trouvait dans un état grave de dépression nerveuse ne lui permettant pas d’apprécier la portée de sa décision (CAA Marseille, 26 mars 1998, n° 97 Mai 1297).