Affaires maritimes : Embellie ou vague scélérate ?

lundi 17 janvier 2011

Grâce à la détermination des personnels de l’administration de la mer, le Ministère de l’Ecologie du Développement Durable, des Transports et du Logement se penche sur la situation des agents du secteur maritime et sur l’exercice de leurs missions. Les lignes bougent, des propositions sont formulées. Pour autant, la vigilance des corps mer ne doit pas baisser et la détermination doit rester intacte tant l’ébauche des réponses nous laisse dans l’expectative.

Le 11 janvier 2010, la DRH et la Direction des Affaires Maritimes ont rencontré les organisations syndicales pour traiter de l’évolution statutaire, de la technicité, des régimes de travail et de la pénibilité.

I La marche est haute

Trop longtemps laissé en marge du ministère de tutelle, le secteur maritime a vécu replié sur lui même. Les compétences rares des personnels civils des Affaires Maritimes, loin de leur bénéficier, ont constitué une marginalisation statutaire, indemnitaire et catégorielle. La CGT ne cesse de le dénoncer et, dès 2003, notre organisation a entamé un vaste chantier pour une juste considération et reconnaissance des corps mer.

Sur les primes :

  de 2004 à 2007, la CGT a rendu possible l’alignement des primes de premier niveau (IAT & IHTS) des Cat B & C sur celles des agents de l’équipement. Les spécialités dites administratives sont depuis mises à niveau. La CGT continue d’exiger que la technicité des activités de gestion des navires, des marins et de l’économie des pêches soit reconnue.

  en 2005, la CGT a demandé un complément fonctionnel pour les contrôleurs du travail et les Inspecteurs de la Sécurité des Navires placés en CSN et en ULAM. Une somme de 540 € a été obtenue, elle vient d’être réévaluée à 900 € pour les ISN contrôleurs dans les CSN. Ce complément est versé aux CAM PCME depuis 2008.

  en 2007 et 2008, la CGT a dénoncé l’érosion du différentiel entre IAM et Attachés. Bien qu’une revalorisation soit intervenue en 2008 pour certains grades, la situation des IAM reste insatisfaisante.

  en 2008, suite à un mouvement social de 7 mois piloté par la CGT, les CAM PCME ont obtenu le bénéfice de la Prime de Personnel Navigant en 2009 ainsi qu’un budget d’équipement des services. La question de la bonification du B pension pour tous les corps éligibles a également été portée par ce mouvement, le Ministre JL BORLOO a jeté les bases d’une enquête pour son application.

  en 2010, la CGT a demandé que les agents du secteur mer bénéficient, comme les corps équipement, de l’Indemnité de Sujétion Horaire et de l’Indemnité Horaire pour Travaux Supplémentaires. En ce début d’année 2011, les projets de décret et d’arrêté sont à la signature.

Sur le statutaire et la progression de carrière :

  dès 2005, la CGT a demandé une véritable reconnaissance technique des IAM et a refusé d’une part, la fusion des IAM OT avec les Officiers de Ports et d’autre part le fusion des IAM OA et OS avec les Attachés.

  en 2006, la CGT a demandé au Comité Technique Paritaire Ministériel que les CAM administratifs puissent bénéficier des dispositions offertes aux Contrôleurs des Transports Terrestres pour passer les concours internes d’Attachés (Cat A). Le ministère a refusé.

  dès 2006, la CGT a travaillé à la reconnaissance de la formation maritime des IAM OT en Master II.

  dès 2007, la CGT a demandé la reconnaissance technique de l’option Scientifique des IAM et l’alignement statutaire des corps opérationnels A, B & C sur les corps techniques du ministère.

  En 2008, la CGT a demandé que la disposition d’examen professionnel offerte aux dessinateurs de l’équipement (cat C) pour passer cat B, soit appliquée aux syndics nav /sec. Rien n’a été fait.

  En 2010, la CGT a demandé que les syndics DSAG puissent bénéficier de la promotion sur dossier pour passer cat B comme avaient pu l’obtenir les adjoint administratifs pour passer secrétaires administratifs.

Aucun métier, aucune spécialité, aucun corps n’a été oublié dans les revendications de la CGT. Les avancées sont la résultante directe de la capacité des agents concernés à se mobiliser pour construire le rapport de force. Beaucoup a été fait. Mais qu’il s’agisse des conditions de travail, de la reconstruction de carrière, des régimes indemnitaires ou de la prise en compte de la pénibilité, il reste du pain sur la planche.

Aujourd’hui, l’administration prend la mesure des rattrapages significatifs à opérer. Elle propose des solutions de circonstance qui ne nous satisfont pas en l’état.

II Technicité et évolution statutaire en trompe l’œil

Le ministère présente le Nouvel Espace Statutaire (NES), conditionné à la fusion des corps, comme la panacée universelle. Au motif de quelques points d’indice et de quelques euros gagnés immédiatement, nous devrions accepter des étalements de grille indiciaire et donc de carrière, de plusieurs années, pour prétendre au changement de grade. La CGT ne l’accepte pas en l’état et ne se laisse pas berner par ce « miroir aux alouettes ».

Dans le contexte actuel de RGPP et de restriction budgétaire, il est naïf de croire que la gouvernement fait des cadeaux aux fonctionnaires. Les agents et a fortiori les syndicats ont de l’instinct. Ils savent que derrière le buisson des centimes gagnés se cache la forêt des contreparties douloureuses : mobilité géographique forcée pour chaque promotion et blocage de l’évolution de carrière à l’ancienneté par le rallongement du temps passé dans chaque grade.

La fusion des corps proposée ne résout rien. Elle ne rattrape pas le passif et menace les missions par la destruction des métiers et de la culture commune actuelle qui existe entre les filières Mer. En effet, le ministère ne propose de traiter, dans un premier temps, que les Catégorie B techniques. Aussi, avec l’éclatement des corps mer, les administratifs seraient laissés en route et, sans constitution de filières, les métiers techniques seraient dissous.

La CGT revendique que tous les métiers mer et donc également la technicité, des spécialités dites administratives des corps mer, soit reconnue. Notre point d’analyse consiste à regarder les métiers mer à l’aune des activités pratiquées au ministère de l’agriculture et qui sont exercées par des corps techniques. La CGT demande que les agents des corps mer soient versés dans la nouvelle filière technique. L’administration accepte de discuter de ce point pour une partie des agents.

Une rumeur court sur l’action de la CGT qui bloquerait l’avancé du dossier. Il est grossier d’annoncer que les négociations actuelles bloquent les B administratifs car le chantier les concernant n’est tout simplement pas ouvert !

En outre, la CGT demande qu’un droit de remords ou d’option soit offert aux agents ayant changé de spécialité ou désirant le faire. En effet, des CAM de la filière scientifique ou de contrôle ont opté pour un changement de spécialité ou envisageaient de le faire dans un contexte où les passerelles étaient de droit. Ils doivent pouvoir opposer la réversibilité de leur choix avant la bascule. L’administration veut couper les ponts entre spécialités. Avant le divorce, chacun doit avoir la possibilité de choisir la rive, technique ou administrative, où il sera recasé.

La CGT revendique que les compétences maritimes et le temps passé à l’école des Affaires Maritimes soient reconnus comme cela est le cas pour les corps militaires des Affaires Maritimes et les corps équipement pour leurs formations spécifiques. En l’absence d’égalité de traitement pour la progression de carrière et la promotion en catégorie A pour certains CAM, du fait de l’absence de concours pour leur spécialité, la CGT demande, en guise de reconstitution de carrière, une intégration identique à celle envisagée pour les TSE.

III Régime de travail irrégulier : L’Aveu

L’administration reconnaît l’illégalité des régimes de travail qu’elle impose à ses agents : « la Circulaire Ulam comporte un certains nombre d’irrégularités par rapport au respect des garanties minimales. » et de rajouter, « il y a nécessité de refaire un texte qui respecte les textes en vigueur. »

On comprend mieux pourquoi la circulaire Ulam n’a jamais fait l’objet d’évaluation et qu’elle n’est jamais passée en CTPM. 

De fait, les modalités d’action proposées par la CGT, déjà appliquées par les CAM Cultures Marines, et qui concernent une application pure et simple des régimes légaux de travail sont tout à fait conformes au droit.

Le courrier de la DRH pour demander aux Préfets et DDTM de prendre des sanctions est donc un abus de pouvoir doublé d’une mise en danger juridique des agents et de l’encadrement. En effet, en cas d’accident survenu dans des conditions illégales de travail, la responsabilité de l’agent victime et de sa hiérarchie peuvent être engagées.

Les sanctions et retenues sur salaire ne sont pas fondées, la CGT a demandé le versement intégral des ISM ainsi que la restitution des sommes prélevées.

La CGT a ensuite exposé que les missions de contrôle ne peuvent pas être calées dans des plages horaires fixes et maîtrisées. Dans tous les cas, les garanties minimales ne pourront pas être respectées. Il appartient donc au ministère d’inscrire les corps mer concernés dans le décret en conseil d’état qui autorise la dérogation aux garanties minimales et d’appliquer les mesures compensatoires correspondantes :

  intégration de la pénibilité sur l’année par la réduction réglementaire du temps de travail,
  intégration de la pénibilité sur la carrière par l’octroi du départ anticipé et de la bonification du 1/5,
  compensation des contraintes quotidienne par revalorisation de l’indemnitaire.

La question de l’indemnité dortoir a été posée par la CGT pour les agents obligés de dormir sur leur lieu de travail. La CGT demande que les garanties soient fixées et les régimes de travail encadrés.

IV Indemnité de Sujétions Horaire : 9 ans trop tard … comme le reste !

Les belles personnes dans les sphères autorisées pourront toujours s’indigner lorsque les organisations syndicales et la CGT en particulier, fustigent le conflit d’intérêt qui règne aux Affaires Maritimes. Les faits sont là. Ceux qui sont en charge de l’intérêt des agents civils, n’ont aucun intérêt personnel à intervenir pour l’amélioration de la condition de leurs subordonnés. Dans cette lutte de classe larvée qui est menée contre les personnels civils, toute revalorisation de ces derniers est vécue par les « importants » comme une atteinte à leur majesté.

Par cet exemple une fois de plus, s’exprime le désintérêt voire le mépris de la DAM pour les personnels civils.

Les activités liées aux horaires de marée sont éligibles à l’ISH depuis 2002 dès lors qu’elles sont mentionnées dans l’article 1er du décret. Les activités liées aux horaires de marées … vous avez bien lu ! Et bien aucune mission des Affaires Maritimes n’est listée. Il est vrai que pour deviner que des missions de l’administration de la mer sont dépendantes de la marée, il est besoin d’avoir une imagination et un génie hors du commun.

Alertée par la CGT, la DRH a accepté d’examiner l’éligibilité des missions mer, 9 ans après la parution du décret. Elle consent à inscrire « les activités de contrôle et de surveillance. » Qui sera concerné ? La DRH ménage le flou, les agents se préparent à l’action. Mais dans tous les cas, pour les 4896 € perdus chaque année depuis 2002, soit 44 000 € en tout, vous pouvez aller remercier la DAM.

V Pénibilité : « marche ou crève ! »

Le travail à la marée et embarqué est une activité difficile et pénible. Les marins au commerce, à la pêche ou à la conchyliculture ont conservé, malgré la loi retraite, le bénéfice du départ anticipé. Les belles personnes inspirées objecteront que l’emploi protégé de fonctionnaire au service de l’administration de la mer est confortable. Ils omettent de souligner que des postes de l’Action de l’Etat en Mer, à la douane par exemple, bénéficient du B pension bonifié. Ils oublieront que les techniciens des cultures marines ont subi une discrimination unique dans la fonction publique en perdant le service actif sans compensation ni justification. Ils ne voudront pas voir que des agents affectés dans les services opérationnels deviennent inaptes en cours de carrière et que, sans pour autant développer de maladies professionnelles, ils bénéficient de postes aménagés tant leur poste est fatigant.

La CGT a demandé que le service actif bonifié soit appliqué aux corps mer par homologie aux métiers similaires qui en bénéficient et qu’il soit restauré à ceux qui ont subi l’arbitraire et l’injustice.

L’administration diligente une enquête épidémiologique pour vérifier l’impact du travail sur l’espérance de vie. En clair : « si vous crevez avant l’heure, peut être qu’on vous permettra de profiter de quelques années supplémentaires de bonheur simple à la retraite. » Quid de la prise en compte de l’espérance de vie en bonne santé ? De l’impact des conditions de travail sur le quotidien quand les douleurs articulaires ou lombalgiques vous rappellent chaque matin les jours passés à grimper à bord des navires ou à crapahuter dans la vase sur l’estran ? L’administration n’en a cure !

L’enquête proposée est un attrape nigauds. D’une part « la culture Affaires Maritimes » de rétention d’information, passe sous silence la somme de tracas, bobos ou accidents du travail quotidiens accumulés sur une carrière, d’autre part, les statistiques effectuées sur des faibles effectifs rendent toutes conclusions quasi impossibles.

La CGT ira à la rencontre des enquêteurs, il faudra qu’ils nous entendent et s’ils ne sont pas disposés à le faire, le sort des agents sera entre leurs mains et dans leur capacité à s’indigner !

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