Taxe carbone : Injuste et inefficace

jeudi 29 octobre 2009

La taxe carbone vient d’être adoptée dans le projet de budget et entre en vigueur le 1° janvier 2010. Lors du Grenelle la CGT avait fait part de son avis : parmi les instruments de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), la taxation joue un rôle moyennant certaines conditions. A la fin de l’été le CCN de la CGT a demandé une position nette vis à vis du projet de taxe soumis par le gouvernement. Nous l’avons qualifié d’injuste et inefficace, comme d’autres forces syndicales, associatives ou politiques.

Un niveau évolutif et un dispositif qui serait fiscalement « neutre » ?

Le niveau de taxe est fixé en 2010 à 17 €/T CO2 et se traduit par une taxe additionnelle à la taxe de consommation sur les énergies fossiles (fioul, gaz, carburants). Ce niveau augmenterait progressivement selon l’avis d’une « commission verte » pour se rapprocher de 100 €/T, estimé comme le signal prix efficace pour des décisions d’investissements de rupture avec les consommations d’énergies carbonées.

Pour la neutralité fiscale proclamée par le gouvernement, le produit de la taxe carbone serait redistribué aux ménages et aux entreprises au nom du pouvoir d’achat des uns et de la compétitivité des autres… C’est ici que les injustices se cumulent…

Un système dont l’efficacité reste à démontrer et qui est particulièrement injuste.…

Les chèques annuels aux ménages seraient de 46 € par adulte (zone desservie par des transports en commun) ou de 61 € (ailleurs), avec 10 € par enfant ou personne à charge. Sont ignorés niveau de revenus, patrimoine, capacité contributive. Le « bonus-malus » fonctionnerait selon la différence que chacun établirait entre ces crédits et les débits du cumul de taxes additionnelles payées lors de ses achats de carburants, de gaz ou de fioul. En théorie, les « gagnants » seraient ceux qui achètent moins ou rien, les « perdants » étant ceux qui roulent ou se chauffent « sans compter », sans personne à charge !

L’effet du signal-prix repose sur la modélisation du « consentement à payer » : la théorie libérale garantirait l’optimisation par le cumul des bonnes décisions individuelles, calculettes en main, dès lors que les prix intègrent bien les externalités grâce à l’intervention étatique, afin d’aider le marché du carbone à s’installer. L’efficacité de cette théorie est loin d’être démontrée.

Les entreprises des activités industrielles relevant des quotas d’émission de la directive 2003/87/CE (en France, 38 % des émissions de CO2) seront exonérées de taxe carbone. Relevons que ces permis d’émission sont aujourd’hui délivrés gatuitement par l’Etat.
En revanche, ils sont négociables selon la directive, échangeables sur un marché d’achats et de ventes de quotas de CO2 au prix libre, actuellement de 30 €/T. La majorité des entreprises ne relevant pas de ces permis d’émission de GES, acquitteront la taxe carbone mais auront le « bonus » suivant : la suppression de la taxe professionnelle (TP 30 milliards d’€ perçus par les collectivités territoriales). Le PLF 2010 présente ainsi le transfert d’une fiscalité « nocive » vers une fiscalité « vertueuse », en assurant que les recettes de la taxe carbone seront restituées aux entreprises.

En réalité leurs gains seront bien supérieurs, même si on ne connaît pas encore précisément les montants de la « contribution territoriale » qui se substituera partiellement dans les années à venir à la Taxe Professionnelle.
Autres facilités pour les entreprises : des réductions de taxe carbone comme de TIPP, pour les secteurs gros consommateurs de carburant (transport routier, agriculture…) et pour les entreprises soumises à la concurrence communautaire ou internationale, comme prévu par la directive 2003/96/CE relative à la taxation des produits énergétiques.

On l’aura compris, autant de modalités injustes et inefficaces.

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