La réforme portuaire

mercredi 16 janvier 2008

Le Premier Ministre, François Fillon, vient d’annoncer une réforme portuaire d’envergure. L’annonce devance toute négociation préalable et s’accompagne une fois de plus d’un cadrage qui par définition vide de son sens toute concertation, terme martelé par le Premier Ministre. Sans compter que concertation n’est pas négociation.

La méthode, identique à celle utilisée pour la justice, l’université ou même les régimes spéciaux de retraites est donc déjà fort contestable. D’autant qu’elle s’accompagne d’une précipitation de calendrier avec l’objectif législatif dès le printemps. L’intention est donc à nouveau un passage en force.

Sur le fond : plusieurs dizaines de milliers de salariés, de familles, sont directement concernés par cette décision. La nature même des emplois portuaires, publics ou privés, leurs statuts, sont attaqués de front par le gouvernement. Il fait allégeance au MEDEF qui ne cesse d’appeler de ses vœux à ce contenu de réforme pour les ports français.

Ce qui est visé, c’est d’utiliser ces emplois, les conditions sociales des salariés comme seul levier d’abaissement des coûts portuaires dans une recherche de compétitivité en faveur des armateurs maritimes et logisticiens de transport. Ces derniers, qu’ils s’appellent CMA CGM ou Bolloré, s’inscrivent dans un développement effréné d’échanges mondiaux lucratifs plus que dans des obligations de développement durable.
Ce qui est visé, c’est une concurrence entre territoires de notre littoral, une concurrence entre ports, une mise en compétition exacerbée des hommes et des femmes qui les font fonctionner.

Le Premier Ministre fixe unilatéralement les orientations qu’il entend donner aux ports.
Il ne peut échapper à personne que ce domaine relève de décisions structurantes pour tout le pays. De ce point de vue, cela exige une vision complémentaire des sites et une mise en synergie des activités et missions entre les sept ports autonomes, établissements publics, du pays. Ces infrastructures stratégiques appartiennent à la nation, cela doit répondre d’un véritable débat public.

Le Premier Ministre annonce le transfert des activités de manutention à des opérateurs privés. C’est un postulat totalement inacceptable qui porte en lui les germes d’une privatisation totale des ports avec, à l’arrivée, des outils d’intérêt général livrés à une maîtrise privée. Le gouvernement réduit le rôle de l’état aux missions régaliennes dans le droit fil de la Réforme Générale des Politiques Publiques (RGPP). Cette intention participe de la casse générale des services publics.

Le Premier Ministre annonce des missions portuaires recentrées autour du développement durable.
C’est une imposture tant il est évident qu’en la matière, seule la régulation et donc la maitrise publiques peuvent orienter en ce sens. En guise de recentrage, il y a fort à parier que la loi du marché s’évertuera à contourner les obligations de société au regard des questions sociales et environnementales.

Après avoir mis l’accent sur cette modernisation de gouvernance, François Fillon annonce des investissements sans précédent, notamment sur l’entretien. A qui peut-on faire croire que ces investissements négligés depuis des années ne seraient pas possible sous statut public et d’un coup le deviendraient au bénéfice d’intérêts privés ?
Nous sommes bien devant une approche dogmatique fidèle au concept de libéralisation à tout crin.

Pour la CGT, l’évolution portuaire ne peut s’approcher par le prisme de la gouvernance et du statut. Elle nécessite en premier lieu une approche sur l’activité économique, son développement, les emplois, qualifications et conditions sociales nécessaires pour y répondre.
Un cadrage national est essentiel, il suppose une vue d’ensemble, une organisation des synergies nécessaires entre ports pour répondre aux besoins du pays dans un aménagement du territoire équilibré. De ce point de vue, la fixation du gouvernement sur Marseille est douteuse.
Ce cadrage doit faire l’objet d’une négociation nationale en amont de toute négociation locale porteuse de balkanisation et d’opposition entre salariés. Il ne passe pas par le prisme de la remise en cause de statut public des ports, du statut des salariés, ni par celui de la privatisation d’activités.

Montreuil le 14.01.08

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